INSULALE PATRIMOINE DE L'ISLE-SUR-LA-SORGUE

Fouilles archéologiques programmées – première et deuxième campagnes : la chapelle Saint-Andéol de Velorgues (2014-2015)

La mise en vente par un particulier de la chapelle romane de Velorgues, non protégée au titre des Monuments Historiques (MH), constituait une réelle menace pour l’édifice avec l’éventuelle mise en œuvre d’un projet brutal de transformation en habitation.

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Photo aérienne du site de la chapelle de Velorgues © Air Pixels

Aussi, en décembre 2013, la ville de L’Isle-sur-la-Sorgue décida-t-elle de préempter la chapelle afin de la restaurer et de la rendre aux habitants grâce à une polyvalence d’usage.

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Vue du mur gouttereau sud © DPI
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Vue aérienne du mur gouttereau nord © Air Pixels
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Vue du chevet de la chapelle © DPI

La Direction du Patrimoine de la Ville prit alors en charge son destin et développa un projet d’étude et de mise en valeur.

Depuis 2014, le site de la chapelle Saint-Andéol de Velorgues fait donc l’objet d’une fouille programmée conduite par l’équipe de la Direction du Patrimoine de L’Isle-sur-la-Sorgue, en partenariat avec le laboratoire d’anthropologie d’Aix-Marseille Université (ADES, UMR 7268, AMU/CNRS/EFS), ainsi qu’avec le Département d’Histoire de l’Université d’Avignon, le Ciham (UMR 5648), et l’Université d’Aix-Marseille.

Cimetière, Yann Ardagna
Yann Ardagna, Laboratoire d’anthropologie d’Aix-Marseille Université © DPI

Ces  campagnes de fouille s’inscrivent dans un projet de recherche exhaustif sur un site de premier plan pour comprendre le processus de christianisation des campagnes de la plaine du Comtat et pour l’étude des cimetières médiévaux avec les méthodes modernes d’anthropologie.

Les deux premières campagnes de fouille archéologique programmée : 2014-2015

2014: première campagne de fouille

La première campagne de recherches en 2014 s’apparentait à une évaluation archéologique concrétisée par un grand sondage perpendiculaire à la chapelle et par une étude générale de l’architecture effectuée préalablement à la demande de protection au titre des Monuments Historiques.

Elle a fait apparaître le potentiel du site où se rejoignent des problématiques diverses. D’une part, des découvertes éparses ont posé la question de l’existence d’un habitat néolithique moyen et d’un domaine gallo-romain ayant subsisté jusqu’au haut Moyen-Âge. D’autre part, elle a ouvert un questionnement quant au processus qui, à partir d’une villa détenue par l’aristocratie autour de l’an Mil et d’une église privée donnée à l’abbaye de Montmajour et reconstruite au XIe siècle, a mené à la création d’un castrum au XIIe siècle, puis à son abandon au XIVe siècle.

Topo-historique
© DPI

La chapelle est donc au centre de ces grandes questions qui restent inédites dans cette partie méridionale de la plaine du Comtat.

 

2015: deuxième campagne de fouille

La deuxième campagne s’est traduite par une extension de la surface excavée dans l’abside et la seconde travée de la nef et par une fouille exhaustive des sépultures révélées lors de la précédente opération, par une petite équipe du laboratoire d’anthropologie d’Aix-Marseille Université. De façon concomitante, une étude historique de Velorgues au Moyen Age a été menée. S’appuyant sur la riche documentation sur le lieu réunie par l’historien local Victorin Laval au début du XXe siècle ainsi que sur des recherches archivistiques et bibliographiques, celle-ci a permis d’étoffer le dossier historique de l’église Saint-Andéol et du castrum de Velorgues.

Bilan des interventions

L’architecture de la chapelle

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Chronologie de l’élévation sud © DPI

L’édification de la chapelle romane a probablement débuté au XIe siècle, après l’arrivée des moines de l’abbaye bénédictine de Montmajour auxquels la chapelle avait été donnée en 988. Elle atteint 17m de longueur, 8 m de largeur et plus de 9 m de hauteur. Elle possède un plan à nef unique divisée en deux travées, qui se prolonge à l’est par une abside semi-circulaire. Son architecture résulte globalement de deux campagnes de construction distinctes.

Au XIe siècle, la chapelle est conçue avec une abside voûtée en cul-de-four (conservée actuellement) et une nef charpentée dont il ne subsiste pratiquement qu’une porte latérale aujourd’hui obturée sur le mur gouttereau sud.

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Vue intérieure de la chapelle © DPI

Dans le courant du XIIe siècle, la charpente est remplacée par une voûte en plein-cintre supportée par des doubleaux et des arcatures latérales. Pour contrebuter la poussée de ce nouveau couvrement, de puissants contreforts sont construits à l’extérieur.

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Eléments de décor © DPI

Vers la fin du Moyen Age, une petite chapelle latérale est aménagée entre les contreforts, sur le côté nord de la seconde travée. Un sondage a permis d’en retrouver l’emplacement, car sa destruction au XVIIIe siècle n’avait laissé à l’intérieur de la nef qu’un arc noyé dans la maçonnerie du mur. Une tribune voûtée s’installe aussi dans la première travée où les piliers du voûtement conservent les encoches ayant servi à l’appuyer.

Au XVIIe siècle, l’évêque de Cavaillon investit les lieux et d’autres retouches sont encore effectuées. Le dégagement des enduits récents qui recouvraient le mur de l’abside a permis d’y découvrir des fragments de décor polychrome élaboré durant la période. Pour aider à leur préservation, les restes de décor ont été consolidés grâce à l’intervention d’une conservatrice-restauratrice subventionnée par un financement d’état.

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Décor peint XVIIe siècle conservé sous l’arc triomphal © DPI

 

La fouille de la chapelle

Les recherches se sont limitées pour l’instant à l’abside et à la seconde travée de la nef. Elles démontrent une longue permanence d’occupation des sols médiévaux suivie, dans la période moderne (XVIe-XVIIIe siècles), par un léger exhaussement du niveau de circulation qui se mesure par la présence de deux fosses d’inhumation creusées en pleine terre entre les XVIe et XVIIIe siècles. Entre ces deux phases, la chapelle est un temps livrée à des activités domestiques, avant de retrouver ses fonctions initiales et être resacralisée par la fonte d’une cloche en bronze, dont la fosse de fabrication et les fragments du moule en terre cuite ont été retrouvées en fouille.

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Fouille de l’intérieur de la chapelle © DPI

D’autres observations sont beaucoup plus surprenantes. Elles révèlent que la fondation du chœur s’appuie sur les restes d’un mur antérieur où se trouvent remployés plusieurs blocs antiques. Il s’agit probablement d’éléments d’une première église qui pourrait être datée de l’Antiquité tardive ou du haut Moyen Age grâce à la découverte d’un fragment de table d’autel paléochrétien, en marbre orné d’un chrisme.

Autel, 1-4 de chrisme
Fragment de table d’autel (1/4 de chrisme) © DPI

Certains vestiges seraient restés apparents et traités en aménagement liturgique dans le chœur du XIe siècle, dont la particularité réside dans la présence de baies percées sur son côté sud pour permettre une visibilité à l’intérieur du sanctuaire. L’une des baies éclairait une pierre de dédicace englobée en partie haute de l’abside. Une autre, localisée en dessous, pouvait servir à apercevoir les vestiges d’un édifice plus ancien et un mobilier spécifique installé à leur emplacement (chasse reliquaire?).

Cela inscrit la chapelle de Velorgues au cœur de la réflexion sur l’espace liturgique et son incidence sur l’architecture médiévale. Le cas illustre un exemple rare de mise en scène du culte d’un saint, de la vénération de ses reliques et de la sacralisation d’un édifice antérieur sous la forme d’un aménagement très simple: une sorte de petite « crypte du pauvre ».

Coupe longitudinale de la chapelle
Coupe longitudinale de la chapelle © DPI
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Pierre de dédicace de l’église Saint-Andéol © DPI

Parallèlement, la fouille d’une fosse profonde située dans la seconde travée a révélé une partie de mur qui pourrait appartenir à un édifice antique. Pour le moment, aucune fonction ne peut lui être attribuée, mais ces vestiges invitent à réfléchir sur l’éventualité d’une construction domestique domaniale ou d’un mausolée à l’emplacement de l’église médiévale.

Le cimetière

Dans l’Occident médiéval, le cimetière est peut-être le seul lieu où l’archéologie est susceptible de retracer l’histoire d’une communauté dans son ensemble. La tombe réunit tous les membres de la société sans distinction d’âge, de sexe ou de condition sociale. Mettre au jour un cimetière ressuscite la mémoire de populations.

Grâce à l’anthropologie, chaque sépulture ouvre une fenêtre sur la vie quotidienne du défunt. L’étude des squelettes détermine le sexe et l’âge de l’individu, mais aussi les pathologies liées à sa vie. La disposition des os indique parfois la présence d’un cercueil, de vêtements ou d’un linceul qui contraignait le corps.

A travers le cimetière de Velorgues, on suit l’histoire de cet ancien village disparu dans le courant du XIVe siècle.

Les premières tombes, dont on retrouve la trace, l’implantent avant le IXe siècle, quelques siècles avant la construction de la chapelle actuelle. Elles s’organisent autour d’un premier édifice détruit, dont la fouille a retrouvé les fondations sous le chœur de la chapelle. Au nord du bâtiment, on trouve les premières maisons du village « carolingien » qui semblent empiéter régulièrement sur l’espace funéraire. A Moyen Age, la conception du cimetière est fondamentalement différente de notre conception contemporaine. Il est alors aussi bien un lieu dédié aux morts qu’un lieu de vie où l’on ratifie par exemple des actes légaux et où l’on tient parfois même des marchés.

Au Xe siècle, les tombes consistent en de massifs coffres de pierres recouverts de grandes dalles. Ces dalles affleuraient le sol du cimetière et marquaient l’emplacement de la tombe. A cette époque, les enfants en bas âge n’ayant pu être baptisés étaient déjà inhumés près des murs de la chapelle afin de recevoir symboliquement les eaux de pluie qui s’écoulaient de la toiture du sanctuaire.

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Regroupement d’enfants en bas âge © DPI
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Modèle en 3D d’une sépulture datée du Xe siècle © DPI

Des sépultures en coffre repérées en profondeur à l’intérieur de la nef et à l’extérieur sont probablement à mettre en relation avec cette église du haut Moyen-Âge.

A partir du XIIe siècle, le cimetière devient un espace très structuré. Des coffres de pierres scellés au mortier sont disposés en rangées s’étendant du nord vers le sud. On devine à travers cette organisation des allées, des places qui laissent imaginer un espace presque paysagé. Les tombes sont d’abord espacées avant de se densifier rapidement. Les espaces de circulation sont soigneusement préservés, si bien que le manque de place oblige à réouvrir les coffres afin d’inhumer de nouveaux défunts.

Aux XIIIe et XIVe siècles, la mémoire des tombes des siècles précédents semble s’estomper. Les nouvelles tombes, désormais en cercueils ou en pleine terre, s’affranchissent progressivement de cette organisation du cimetière et s’étendent à tous les espaces laissés vacants. Les tombes les plus anciennes sont condamnées, quand leurs coffres ne sont pas simplement récupérés.

Montage de plusieurs emplacements de sépultures datant de différentes époques © DPI

Pour finir, signalons qu’au sud, un sondage profond implanté contre le mur de clôture a livré la tranchée de récupération de l’enceinte médiévale du castrum ainsi que des niveaux alluvionnaires du Calavon recelant du mobilier néolithique et des ossements épars pouvant provenir de sépultures anciennes (Antiquité tardive?) perturbées.

Pour en savoir davantage sur les différentes campagnes de fouille qui ont lieu chaque année depuis 2014, cliquez sur les liens suivants:

Velorgues: quatrième campagne de fouille programmée (2017)

Velorgues: troisième campagne de fouille programmée (2016)

Vous pouvez retrouver un aperçu de l’histoire de Velorgues à la page suivante: Velorgues et la chapelle Saint-Andéol

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