Fouille d’archéologie préventive : le garage Manni – ancien couvent des Dames de Sainte-Elisabeth (2017)

La construction d’un immeuble avec parking sur un vaste ensemble de 1294 m2 occupé depuis la fin des années 1920 par le garage Manni a motivé la prescription par les services de l’Etat d’une fouille, financée par le promoteur (SEGI SAS: financement) et conduite par un groupement d’opérateurs d’archéologie préventive, constitué de la Direction du Patrimoine de L’Isle-de-sur-la-Sorgue (mandataire) et de l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP). Cette fouille préventive a été réalisée au cours des mois d’août et septembre 2017.

Chantier de fouille du garage Manni (ancien couvent des Dames de Sainte-Elisabeth) © DPI

Le site est établi en partie sur le jardin de l’imposant couvent des Dames de Sainte-Elisabeth d’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècle). Il reste une aile de cet établissement religieux à l’est et d’importants vestiges en périphérie de la parcelle.

Sainte-Elisabeth, abords Les abords du couvent Sainte-Elisabeth © DPI

Le diagnostic de 2015 avait notamment révélé des traces d’occupation humaine pérenne en périphérie de la parcelle, le long des lices au sud et près de la juiverie au nord des environs de l’an mil au XVe siècle de fouilles.

L’implantation de ce couvent s’inscrit dans un mouvement relativement important de fondation de communautés religieuses (doctrinaires, ursulines, minimes, capucins) et de création de confréries de pénitents à L’Isle (blancs, bleus, noirs et verts), dans le courant du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle. Avec cette vague d’installations, L’Isle fait figure de bastion de la Contre-Réforme et de reconquête catholique au sein du Comtat Venaissin qui est encore sous le gouvernement de la papauté et constitue une enclave dans le royaume de France, enclave au sein de laquelle une partie de la population est séduite par les idées protestantes dans le second quart du XVIe siècle.

Les recherches historiques ont permis de mettre à jour une très riche documentation sur ce couvent né en 1594 de la volonté d’Isabelle Romillon de fonder une communauté religieuse de femmes dans sa maison d’habitation. Cette femme laïque, veuve d’un marchand, était la sœur d’un religieux célèbre à L’Isle, le père Jean-Baptiste Romillon, supérieur des Pères de la Doctrine chrétienne (doctrinaires) dont le premier institut fut fondé à L’Isle en 1592 par César de Bus.

En quelques années, Isabelle Romillon parvint à ériger un couvent avec son église, bénie en 1599 par l’évêque. Après des hésitations concernant le choix de la règle religieuse à adopter et des débuts difficiles qui conduisirent à un abandon de l’établissement entre 1610 et 1631, celui-ci fut refondé en 1632 à L’Isle, à son ancien emplacement, sous la règle du tiers-ordre de Saint-François de Sainte-Elisabeth et sous le nom de Saint-Joseph, par Françoise de Barthelier, fille d’Isabelle morte à Paris en 1619.

Le couvent, dit « des Dames de Sainte-Elisabeth », bénéficia d’agrandissements successifs grâce à l’achat de bâtiments et jardins annexes. Il était doté d’un vaste et beau jardin alimenté par une roue et une conduite d’eau desservant une borne-fontaine de la juiverie. Les bâtiments, tout comme le jardin, était entouré de murs relativement élevés pour éviter toute communication avec l’extérieur. La communauté perdura jusqu’à la Révolution où elle fut supprimée. Le couvent fut vendu en 1796.

Réalisée sur une partie du cloître et sur l’emprise d’un certain nombre de bâtiments conventuels, la fouille a permis de révéler non seulement les traces laissées par ce couvent apparu au XVIe siècle, mais aussi celles de l’ancien tissu urbain médiéval.

Manni PhotogrammétrieReconstitution en 3 D d’une partie du site en cours de fouille © DPI

En outre, des études d’archéologie de l’environnement (sédiments, graines, pollens, bois, etc.) ont été effectuées au cours de cette fouille. L’exploitation des données recueillies va nous renseigner sur l’histoire du paysage de L’Isle, le rôle éventuel des actions humaines sur son évolution, et contribuer à cerner les origines mêmes de la ville. La mise en œuvre de ces études découlent des observations faites lors du diagnostic archéologique réalisé en 2015. En effet, une ancienne zone marécageuse avait été repérée dans la partie basse du terrain, à partir d’une profondeur de 1,50 m. Cette zone a laissé de fines couches de tourbe recelant de nombreuses informations sur la végétation du lieu avant le bas Moyen Age. Dans cet espace, les traces ténues d’une présence humaine dispersée à l’aube de l’urbanisation du site de L’Isle s’avèrent donc cruciales pour notre compréhension de la genèse de la ville.

IMG_1533Fosse probablement médiévale © DPI

Pour connaître les résultats du diagnostic archéologique opéré en 2015, cliquez sur le lien suivant: Diagnostic archéologique du garage Manni (2015).