INSULALE PATRIMOINE DE L'ISLE-SUR-LA-SORGUE

La collégiale Notre-Dame-des-Anges

collégiale Notre-Dame-des-Anges

La collégiale se trouve au cœur de la ville, dans l’ancien quartier de Ville Boquière.

 

 

Construite au XIIIe siècle, elle fut reconstruite totalement entre les XVe et XVIIe siècles. Elle est à la fois l’une des dernières réalisations gothiques comtadines (chevet), l’une des rares compositions locales de style Renaissance (clocher) et l’un des plus remarquables ensembles baroques de Provence.

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Élévation sud de l’ensemble clocher et chevet avec essai © DPI

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Collégiale, Vue aérienne © Air Pixels

Une collégiale primitive (XIIIe–XVe siècles)

C’est en 1212 que l’évêque de Cavaillon décida de fonder une collégiale, c’est-à-dire une église possédant un chapitre collégial (assemblée de chanoines). Elle fut placée sous le vocable de Notre-Dame-des-Anges. Les raisons de cette fondation résident sans doute dans la volonté de l’évêque de contrecarrer les pouvoirs du consulat seigneurial. Le titre de collégiale fut ensuite confirmé par le pape Honorius III en 1222.

Il ne reste rien de l’édifice primitif. On trouve seulement des traces de cette première collégiale, située au même emplacement mais entièrement reconstruite par la suite, dans quelques représentations anciennes du clocher. Il s’agissait probablement de l’une des premières réalisations gothiques régionales.

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Tableau votif de Guillaume Ernest Grève (1636) situé dans la chapelle Notre-Dame-du Salut ou de la Sorguette © DPI

Sur ce tableau votif qui est l’œuvre de Guillaume Ernest Grève (MH 1908) en 1636 et qui représente saint Laurent, saint Roch et saint Pancrace, les patrons de la ville, priant aux pieds de la Vierge devant un panorama de L’Isle, apparaissent très distinctement le nouveau clocher de la collégiale et, à ses côtés, l’ancien clocher qui n’est pas encore détruit à l’époque.

Grâce à l’étude de testaments médiévaux, on sait que l’église comprenait, comme celle d’aujourd’hui, plusieurs chapelles vouées aux sépultures et au culte privé. Celles-ci ont probablement été percées tout au long des XIVe et XVe siècles dans la nef primitive. Certains fidèles, par leurs legs, ont contribué à leur ornement ainsi qu’à celui des tombeaux. Ainsi en est-il d’un chanoine de la collégiale qui prescrit en 1464 la pose d’une pierre gravée à son effigie sur sa tombe, sise devant l’autel de l’Annonciation de la sainte Vierge Marie.

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Essai de restitution de la collégiale primitive avec ses chapelles latérales, XVe siècle © Pierre Borel

La reconstruction du chevet et du clocher aux XVe et XVIe siècles

Dès le XVe siècle, la collégiale menace de tomber en ruine. Il va alors être décidé de la reconstruire progressivement, en commençant par la partie orientale: le chevet et le clocher. Cette campagne va avoir lieu environ entre 1485 et 1540. L’étude de plusieurs pièces d’archives a révélé que Blaise Lecuyer, grand maître d’œuvre de la fin du XVe siècle dans la région, était présent sur le chantier de la collégiale dans les décennies 1460 et 1470 ainsi que sur d’autres chantiers régionaux comme celui de Saint-Pierre d’Avignon ou de la cathédrale Saint-Siffrein de Carpentras de 1463 à 1508. On peut donc supposer qu’il fut le concepteur de la reconstruction du chevet et du clocher de Notre-Dame-des-Anges.

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Collégiale, Vue aérienne © Air Pixels

Le chevet est la première partie reconstruite et vraisemblablement achevé en 1520. Erigé en suivant la tradition gothique locale (plan polygonal et clocher au sud), il développe un style flamboyant, encore perceptible dans la balustrade. Des pinacles et des réseaux de fenêtres, aujourd’hui disparus, contribuaient à l’homogénéité du chevet flamboyant.

C’est en 1538 que s’achève la construction du clocher. Les premiers niveaux de ce dernier sont édifiés dans un style gothique, tandis que les deux derniers affichent un style Renaissance empreint de références à l’Antiquité (pilastres et chapiteaux, frise glyphée, etc.).

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Sur le clocher comme sur le chevet, des gargouilles sont positionnées en forte saillie. Elles jouent un rôle important dans l’évacuation des eaux de pluie, car elles permettent de rejeter ces dernières loin de l’édifice. Elles sont aussi un terrain de jeux pour les sculpteurs qui y développent tout un bestiaire de monstres prenant également une valeur symbolique.

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La reconstruction de la nef au XVIIe siècle

Dès 1547, on constate que l’église est trop petite et que, de surcroît, elle est dans un état désastreux. Mais le projet d’une éventuelle réfection tarde à se mettre en place et, vers 1633, un effondrement affecte une travée située entre le chœur et la nef. Cet événement va générer un projet de reconstruction totale de la nef et des chapelles latérales. C’est l’architecte avignonnais, François Royers de La Valfenière (1575-1667), qui va dresser les plans de cette nouvelle collégiale (prix-fait du 11 mars 1647). La construction s’étale sur plusieurs années et la consécration de la nouvelle collégiale intervient le 29 mai 1672, sous l’égide de Jean-Baptiste de Sade, évêque de Cavaillon.

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Plan chronologique schématique de la collégiale © DPI

La collégiale comporte une nef unique à six travées, bordée de chapelles latérales séparées par des contreforts. Ce plan est parfaitement conforme aux prescriptions de la Contre-Réforme catholique : la grande nef permet l’accueil massif des fidèles, tandis que les chapelles peuvent abriter des confréries pour des messes privées et des dévotions spécifiques.

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Plan de l’église (Antonin Rousset, La Ville de L’Isle-sur-la-Sorgue et son église paroissiale, Carpentras, Imprimerie Batailler, 1931)

L’intérieur de la nef est assez lumineux malgré l’obstruction en 1666 des baies nord, trop exposées au vent. L’élévation intérieure compte trois niveaux : le premier est constitué des grands arcs cintrés des chapelles latérales, le second de tribunes ceintes d’une balustrade, et le dernier de grandes baies en plein cintre.

On peut notamment rapprocher la collégiale de l’Isle-sur-la-Sorgue d’un autre édifice baroque de la région : la chapelle du collège des jésuites d’Avignon, aujourd’hui Musée Lapidaire, construite également au XVIIe siècle par François Royers de La Valfenière.

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Une façade monumentale du milieu du XVIIe siècle

La façade de Notre-Dame-des-Anges a été reconstruite au milieu du XVIIe siècle sur les plans de François Royers de La Valfenière dans un style dit « jésuite » (l’icône de ce style est l’église du Gesù à Rome).

Cette façade est sobre, parfois considérée comme austère, mais très imposante par sa composition plus large que haute (28 mètres de largeur pour 24,50 mètres de hauteur). On y retrouve une superposition des ordres classiques avec l’utilisation du dorique au rez-de-chaussée et de l’ionique à l’étage. La partie centrale de la façade est rythmée de colonnes avec, en partie basse, la porte principale, couronnée d’un tympan au relief détruit à la Révolution (probable représentation de l’Assomption).

Collégiale, Façade

 

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À l’étage, un double cadran (horloge traditionnelle et lunaire), au-dessus duquel figurent les armes de la ville, est souligné par une balustrade. En partie sommitale se trouve un fronton triangulaire flanqué d’une balustrade et surmonté d’une croix en pierre. De chaque côté de la façade, on discerne des ailerons, typiques dans les édifices de style jésuite, ainsi que des dômes placés au sommet des escaliers à vis permettant l’accès aux toits des bas-côtés.

Particularités architecturales

La collégiale présente quelques particularités architecturales, parfois liées aux différentes périodes de construction.

Collégiale, ogives

La plus visible de ces particularités est le voûtement en ogives de la nef. Or, à l’époque de la réédification de la nef au XVIIe siècle – et plus particulièrement dans l’architecture baroque –, on n’utilise que très peu la voûte d’ogives, plutôt caractéristique de l’art gothique. Plusieurs explications peuvent être données à cette utilisation archaïque de la voûte d’ogives pour la nef de Notre-Dame-des-Anges. D’une part, le chœur gothique ayant été conservé, il pourrait s’agir d’un choix de l’architecte visant à harmoniser les deux parties de l’édifice, édifiées à deux périodes distinctes. D’autre part, cette utilisation de la voûte d’ogives n’est pas exceptionnelle. On la retrouve en effet d’ailleurs assez fréquemment dans les édifices jésuites, et notamment dans la chapelle du collège de La Flèche qui présente une élévation intérieure assez semblable à celle de Notre-Dame-des-Anges.

Les voûtes d’ogives de la nef retombent sur des chapiteaux doriques situés au sommet des pilastres. Ces derniers se trouvent à un niveau inférieur par rapport au sommet des arcs des tribunes, ce qui explique l’absence de corniche dans la nef pour relier ces éléments, absence qui est parfois interprétée comme un défaut de construction.

Un orgue d’exception

L’orgue majestueux de Notre-Dame-des-Anges est placé dans la première partie du chœur, côté nord. Il est accompagné au sud d’une réplique factice appelée faux orgue ou faux buffet. On retrouvera ce dispositif plus tard dans les cathédrales Saint-Véran à Cavaillon et Saint-Sauveur à Aix-en-Provence. Il s’agit probablement de la reprise d’une tradition italienne où les chants se répondaient de part et d’autre du chœur.

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Vue des parties hautes de l’orgue et du faux-orgue de Notre-Dame-des-Anges © DPI

Auparavant, il existait un petit orgue établi dans la nef, puis transporté dans le chœur en 1596. On décida de faire construire un nouvel orgue en parallèle de la reconstruction de l’église. Celui-ci fut réalisé entre 1648 et 1653 par Charles Royer. En 1827, le facteur d’orgue, Giovanni Mentasti, refaçonna l’orgue « à l’italienne », tout en conservant certains éléments existants.

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Orgue de la cathédrale Notre-Dame-des-Anges © DPI

Des travaux furent effectués en 1838 par le facteur Ferron, puis, en 1964, par Deluz. L’orgue fit ensuite l’objet d’une restauration importante en 1981-1982 par les facteurs Deloye et Sals. L’instrument jouit d’une très grande réputation dans le milieu des organistes.

Sur le buffet en bois doré, de chaque côté, on peut voir les armoiries du prévôt de Casal dont la générosité serait à l’origine des ornements de l’orgue.

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Armoiries du prévôt de Casal © DPI

Une décoration foisonnante

La collégiale développe un contraste saisissant entre son architecture extérieure austère, influencée par le style jésuite, et l’ostentation de son décor baroque intérieur qui lui donne un caractère exceptionnel.

Collégiale, déco foisonnante

 

Au-dessus de la porte d’entrée, relief de l’Assomption © DPI

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La richesse de la décoration intérieure se manifeste par la grande diversité des décors et du mobilier : retables dorés, tableaux, peintures murales, sculptures, etc. La collégiale du XVIIe siècle comportait déjà de nombreux éléments ornementaux dont certains ont aujourd’hui disparu. L’ornementation  a évolué au fil des siècles et a notamment été enrichie à la fin du XVIIIe siècle grâce aux biens provenant des six couvents de la ville fermés après la Révolution. La chapelle de la Chaire, par exemple, ne bénéficiait d’aucune décoration significative avant cette période.

L’esthétique baroque, qui s’affirme ici par le foisonnement décoratif, est considérée comme un outil de propagation de la foi. Il s’agit de séduire les fidèles et de provoquer l’émotion mystique à travers l’émotion esthétique. Cela constitue par ailleurs une forme de réponse à l’austérité prônée par la réforme protestante.

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Scan 3D de l’intérieur de la collégiale Notre-Dame-des-Anges, côté nord © AFT Topographie/DPI

On peut ainsi admirer au sein de la collégiale un magnifique retable de quinze mètres de haut, nombre de grandes toiles, de décors muraux, de boiseries dorées ou peintes d’une très grande qualité, de statues, le tout étant l’œuvre d’artistes et artisans renommés.

Retable du choeur

 

Retable du chœur de Notre-Dame-des-Anges © DPI

Collégiale, chapelle Saint-Antoine

 

Chapelle Saint-Antoine de Notre-Dame-des-Anges © DPI

Notre-Dame-des-Anges: un site classé, protégé et préservé

La collégiale a été classée Monument Historique par arrêté du 4 avril 1911. Elle avait bénéficié d’un premier classement d’éléments intérieurs, chapelle par chapelle, en décembre 1908. Par ailleurs, la chaire, la clôture liturgique ou appui de communion, le retable et les lambris de revêtements associés, les stalles et l’orgue ainsi que le relief de l’Assomption apposé sur le mur du fond de la nef avaient été également classés. En mai 1933, une autre vague de classements eut lieu : statues de saint Jean et saint Jacques, de saint Augustin, de saint Elzéar de Sabran, d’un bras de lumière dans une chapelle latérale, du confessionnal de style Louis XVI, d’une console située dans le chœur et du tambour de la porte principale. Un nouveau classement effectué en avril 1974 concerna la partie instrumentale de l’orgue, placé dans la première partie du chœur, côté nord. Auparavant, seuls les tribunes et le buffet de l’orgue, et le contre-orgue avaient été classés.

1994-2016: une magistrale campagne de restauration de Notre-Dame-des-Anges

Depuis sa construction, les modifications, puis les restaurations de la collégiale ont été nombreuses, qu’il s’agisse du bâtiment, du mobilier ou des décors.

L’année 2016 marque l’achèvement d’une campagne de restauration de très grande envergure. Débutée en 1994, celle-ci, qui s’est étalée sur plus de vingt ans, s’est attachée à la restauration totale de l’extérieur de l’édifice : restauration de la façade occidentale très dégradée, reprise de la toiture des chapelles latérales de la première travée, restauration de la toiture et des murs gouttereaux de la nef, des toitures des chapelles et des contreforts sud, de la nef, du clocher et du chevet – ensemble qui constitue la partie la plus ancienne de l’église -, restauration ou réfection des gargouilles, etc.

Ces campagnes successives de travaux engagées par la ville ont permis de redonner à Notre-Dame-des-Anges, bâtiment emblématique, situé au cœur de L’Isle-sur-la-Sorgue, son caractère monumental. De nombreuses personnes appartenant à des corps de métier multiples et divers ont œuvré sur ces chantiers pour contribuer à la restauration et à la conservation de la collégiale et pour permettre aux citoyens, ainsi qu’aux visiteurs de redécouvrir ce monument, unique dans la région.

Pour en savoir plus, consultez l’article suivant :

La restauration extérieure de la collégiale Notre-Dame-des-Anges

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