Diagnostic archéologique : la rue de la truite (2017)

En novembre 2017, une opération de diagnostic archéologique fut conduite par la Direction du Patrimoine de L’Isle-sur-la-Sorgue dans un établissement de transport visé par un projet de transformation en immeubles d’habitation, situé sur un axe reprenant le parcours des lices intérieures du rempart médiéval, dans la partie nord-ouest de la ville, aux débouchés de la rue de la Truite . Ces recherches s’annonçaient particulièrement intéressantes pour appréhender la topographie ancienne du quartier de Villevieille placé aux origines de l’agglomération médiévale.

Fig 1

Trois sondages ont été implantés. Un premier réalisé dans une cour intérieure s’est révélé négatif, mais il fournit toutefois quelques informations. Les traces anthropiques débutent seulement à 1,25 m en dessous du sol actuel, au-dessus d’une séquence de limons stériles d’environ 0,60 m d’épaisseur. Le niveau de tourbe qui caractérise le sous-sol l’islois se repère ici à 1,93 m au-dessous du sol actuel, alors qu’il ne s’observe qu’à près de 0,50 m dans un sondage effectué précédemment dans un jardin assez proche. Des comparaisons avec d’autres sites ayant donné lieu à des prélèvements géomorphologiques devraient apporter certaines indications indispensables pour percevoir le contexte topographique qui entoure la genèse de L’Isle.

Les deux sondages restants ont pris place à l’intérieur d’un grand corps de bâtiment établi le long de la rue de la Truite. Le premier d’une superficie de 5 m2 a livré, après un rapide décapage des niveaux récents, un ensemble de structures définitivement abandonnées au début du XIXe siècle. Quatre murs en connexion adoptent des orientations différentes. Deux construits entre les XVIIe et XVIIIe siècles suivent un tracé parallèle, à moins de 0,50 m de distance, en se dirigeant vers l’est perpendiculairement à la rue. Leurs extrémités s’appuient contre un mur préexistant, d’orientation nord-sud, ayant fonctionné avec un niveau de circulation en terre battue en occupation de la fin du Moyen Âge jusqu’au milieu de la période moderne. Enfin, ce dernier vient se plaquer contre une sorte de contrefort maçonné qui résulte de la destruction partielle d’un quatrième mur d’époque médiévale. Le mobilier très épars recueilli sur un résidu de sol en terre battue lui étant associé suppose une datation située au plus tard vers le début du XIIIe siècle.

Le second sondage occupe un espace mitoyen et sa superficie atteint près de 21,50 m2. Très rapidement ont été mis au jour de nombreuses structures déterminant trois petits espaces contigus organisés dans un même alignement est-ouest. A l’est, le premier correspond à une cuve profonde, dont le percement a fait disparaître toute stratigraphie antérieure au XIXe siècle. Un mur bâti vers l’extrême fin de la période moderne en limite sud remploie de gros blocs de pierre de taille, parmi lesquels figure une base de pilier moulurée de style gothique tardif. Sur le côté ouest, un imposant linteau en pierre monolithe est également réutilisé en couverture d’une banquette maçonnée en moellon. Enfin, sur le flanc nord s’étend en direction de la rue un dernier mur composé d’un moyen appareil de moellon que l’on présume médiéval.

L’espace central présente des caractéristiques assez similaires, dans la mesure où quatre petites sections de murs en moellon grossièrement appareillés lui servent de limite. Leur mise en œuvre s’inscrit dans une chronologie relative qui s’échelonne entre le bas Moyen Âge et la fin de la période moderne, où deux puissants plots maçonnés ont été coulés en tranchée contre le parement intérieur des murs ouest et est. Le plot oriental est venu percer une grande fosse dépotoir chargée d’un abondant mobilier (céramique, verre, faune, et.) qui s’insère dans une fourchette de datation comprise entre le XVe siècle et le début du XVIe siècle.

A l’extrémité ouest du sondage, le dernier espace est le seul à être délimité de façon homogène par des murs en moellon du début du XIXe siècle, car celui-ci paraît empiéter sur une cour ou un jardin préexistant. La fondation du mur occidental s’est posée sur l’arase du chemisage d’un puits ayant cependant conservé sa fonction à l’extérieur de l’espace. Une datation précise reste incertaine, mais ce puits s’accompagnait d’un petit aménagement en mortier destiné à canaliser l’eau vers l’extérieur et son comblement est intervenu au début de la période moderne.

L’opération n’a pas véritablement apporté les résultats escomptés. L’enchevêtrement des structures, qui pour la plupart remontent à l’époque moderne, ne permet pas d’interprétation assurée sur l’évolution du lieu, même si l’hypothèse d’un site artisanal ou industrieux semble prédominer. Le nombre important de murs dégagés laissaient, par ailleurs, une faible superficie aux recherches sédimentaires qui accordent assez peu de marqueurs de datation formels pour la période médiévale.