INSULALE PATRIMOINE DE L'ISLE-SUR-LA-SORGUE

Diagnostic archéologique : Office du tourisme – ancienne chapelle des Pénitents blancs (2016)

L’ancienne chapelle de Pénitents blancs de L’Isle-sur-la-Sorgue, à l’élégante mais sobre façade dessinée en 1778 par l’architecte l’islois Esprit-Joseph Brun, est aujourd’hui une annexe de l’Office de Tourisme Intercommunal du Pays des Sorgues et des Monts de Vaucluse, installé dans l’ancien grenier public adossé à la collégiale Notre-Dame-des-Anges.

La prescription d’un diagnostic archéologique conduit par la Direction du Patrimoine de la ville a été motivée par le projet de travaux visant à rendre cet établissement accessible aux personnes à mobilité réduite.

Reconstitue les puzzles du patrimoine l'islois!

L’existence d’une chapelle des Pénitents blancs est avérée dès le XVIe siècle dans le quartier nord de la collégiale. Si son implantation primitive reste à découvrir, nous savons par les textes qu’elle confrontait, entre autres, le moulin de la ville, le sextier vieux et le petit cimetière, sur lequel sera édifié le nouveau grenier public en 1779. Elle paraît alors enclavée et, pour y accéder, l’on doit emprunter le cimetière.

Nulle part, il n’est fait mention d’une contiguïté avec la place publique. On peut émettre l’hypothèse d’un établissement de la chapelle originelle plus à l’est, derrière la « chapelle actuelle ». Le cadastre de 1828 montre en effet que la parcelle ayant appartenu aux pénitents blancs est bien plus grande et allongée que celle étudiée. La chapelle se serait donc progressivement développée vers l’ouest, au gré des acquisitions foncières et des projets de construction. Des travaux lancés en 1703 et achevés en 1705 pourraient avoir eu pour objet l’une de ces extensions.

Dans le dernier quart du XVIIIe siècle, à la faveur de l’édification du nouveau grenier public sur l’emplacement du petit cimetière, la chapelle fut peut-être à nouveau augmentée jusqu’à atteindre l’actuelle place de la Liberté, à moins qu’elle n’ait eu pignon sur rue dès 1705 tout en conservant son entrée au sud, du côté du petit cimetière. Assurément, à partir de 1779, sa nouvelle façade est visible de tous et elle tient enfin son accès direct depuis la voie publique.

Deux sondages ont été réalisés à proximité de la porte d’entrée de la chapelle des Pénitents blancs. Les premiers niveaux rencontrés ont confirmé la réalisation de travaux d’importance au XVIIIe siècle. Le niveau de circulation contemporain de la façade, information essentielle dans la perspective d’un décaissement du sol, a été repéré. L’architecture intérieure de cette partie de l’édifice, largement remanié au XIXe siècle, se dessine. Colonnes et pilastres, sans conteste dressés lors de la même campagne, déterminent une  organisation spatiale particulière. Directement derrière la porte d’entrée principale, l’on pénétrait dans un vestibule placé sous une tribune dont les supports le séparaient de la nef ou d’une anti-chapelle.

IMG_0125 - CopieC’est en fondation de l’une de ces colonnes qu’a été découverte une Vierge de Miséricorde (120 x 80 x 30 cm), sculptée en haut-relief dans de la pierre de Pernes. Cette œuvre datée a priori de la fin du XVe-début du XVIe siècles, conserve, malgré de regrettables mutilations, une bonne partie de son relief et de sa polychromie. Elle constitue un exemple sculpté rare de ce thème iconographique.

Les niveaux les plus anciens montrent que la chapelle des Pénitents Blancs, au moins dans sa partie occidentale, s’est établie sur un espace bâti au minimum depuis les XIIe-XIIIe siècles. La façade et le mur latéral sud de la chapelle reprennent le tracé d’une construction rattachable à cette période. Ces murs médiévaux dérasés dont seul le parement intérieur a pu être observé, descendent en dessous du niveau actuel de la place de la Liberté (-1,10 m) sans qu’apparaissent les fondations.  L’épaisseur estimée de ces murs (1,20 m), sur lesquels vient se poser la façade du XVIIIe siècle, laisse augurer une puissante construction, à plusieurs niveaux, éventuellement de type maison forte ou tour.

On ignore la fonction qu’occupait ce bâtiment à l’origine, et la fouille n’a malheureusement pas pu fournir d’indices à ce sujet. Rappelons simplement qu’il se trouvait à proximité de la collégiale, celle du XIIIe siècle, et au cœur d’un quartier qui eut très tôt un rôle important voire stratégique dans la vie de la communauté. C’est ici que sont installés, dès le Moyen Âge, le moulin de la ville et le sextier (grenier public).

Au bas Moyen Âge, l’adjonction d’une cheminée d’angle montre que l’espace est investi de manière peut-être nouvelle. La transformation de cette pièce, nécessitant un minimum d’ouverture sur l’extérieur, pourrait traduire une refonte partielle ou complète de cet édifice. Ce premier niveau réaménagé, modernisé, rendu habitable et confortable, va se maintenir malgré un certain déclin jusqu’au milieu des siècles modernes.

L’édifice mériterait une étude plus générale permettant de saisir et de se représenter son architecture intérieure à la fin du XVIIIe siècle. L’état de dégradation générale de l’étage (voûtes et plafonds crevés, affaissement inquiétant du plancher…) conduira inévitablement à une reprise substantielle du bâtiment. Comprendre ce qu’était la chapelle des Pénitents blancs pourrait nourrir un projet de réhabilitation ambitieux.

Description de la Vierge de Miséricorde

C’est en fondation de l’une des colonnes placées à proximité de l’entrée de l’ancienne chapelle des Pénitents blancs qu’a été découvert un grand bloc en pierre de Pernes sculpté. L’œuvre est un haut-relief réalisé dans un bloc parallélépipédique, se présentant comme une grande « dalle » aux dimensions restituées de 120 x 80 x 30 cm.

 

Photogrammétrie de la Vierge de Miséricorde - Copie
Sculpture de la Vierge de Miséricorde en 3D © DPI

La sculpture représente une Vierge de Miséricorde, thème très populaire aux XVe et XVIe siècles. La Vierge se tient dans l’axe, debout, de front quoiqu’une très légère rotation vers la droite suggère le mouvement. Elle mesure environ 1 m de haut et occupe donc toute la hauteur comprise entre les bordures supérieures et inférieures. Elle divise ainsi le champ de la composition en deux parties égales.

Elle est vêtue d’une robe, peinte à l’ocre rouge, plissée et tombant jusqu’à ses pieds. L’encolure, arrondie et fendue, semble fermée par deux boutons. Une ceinture vient resserrer la robe au niveau de la taille. La tête est légèrement inclinée sur la gauche. Le visage a été bûché. La chevelure, traitée finement, est conservée sur le côté gauche. Elle est relâchée et tombe sur l’épaule. On distingue l’amorce d’une couronne avec ornements. Nous sommes donc en présence d’une vierge couronnée. Le  bras gauche, en grande partie arraché, est plié et vient rejoindre la taille. La main a disparu. Portait-elle l’Enfant ? Un rosaire, dont la majorité des grains manque, pend dans l’axe depuis la zone de la taille et se termine par un crucifix. La Vierge porte un manteau, attaché au niveau de la poitrine par un élément difficile à identifier en l’état (agrafe ?). Ce manteau est largement ouvert, tenu éployé par un point d’attache disparu, mais qui prenait place à proximité de l’angle supérieur du panneau (peut-être un ange ou un saint). Le drapé est lourd et descend jusqu’à la bordure inférieure. Des traces de polychromie (ocre jaune, noir) sont visibles sur les ourlets du manteau.

A la gauche de la Vierge, à ses pieds, un groupe de cinq personnages (environ 25 cm de haut) sur deux rangs de profondeur semblent prier sous le manteau protecteur. Ces priants sont manifestement des laïques. Les trois personnages au premier plan, à la file, égrènent leurs chapelets mains jointes. Les deux premiers, enveloppés dans leurs manteaux sont masculins. Le troisième, un peu plus petit, est une femme portant une tunique ou une robe. L’homme de tête, tout contre la robe mariale, est le seul à avoir conservé son chef. Sa chevelure est mi-longue et l’on distingue, posé sur sa tête, le reliquat d’une couronne. Il symbolise certainement la figure du roi. Au second plan, deux personnages donnent de la profondeur à la scène. L’un d’eux est penché vers l’arrière et semble s’effacer derrière un dernier personnage plus énigmatique, proportionnellement plus grand par rapport aux autres, se détachant nettement. Son visage est ceint par une curieuse chevelure (à moins qu’il ne s’agisse d’un capuchon).

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Détail du groupe de personnages © DPI
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Autre détail du groupe de personnages © DPI

Une bordure ornée de motifs végétaux, large de 10 cm, limite le haut et le bas de la scène. Il semble que ce soit le manteau de la Vierge qui ait limité la scène sur les côtés, enveloppant plus encore les priants.

Un tiers de la sculpture pris dans la maçonnerie n’a malheureusement pas pu être observé et l’on ignore donc les personnes qui composaient le deuxième groupe prenant la place d’honneur à la droite de de la Vierge. Peut-être s’agissait-il du monde ecclésiastique, pape, évêque ou ordres religieux, le pendant et le complément du monde laïque représenté à la gauche de la Vierge protectrice.

D’où provient cette sculpture et quel était son emplacement (retable, enseigne, oratoire…) ? Qui en sont les commanditaires ? Quel est son rapport avec les pénitents blancs ? Autant de questions qui restent à élucider. La mise au jour de la partie cachée, ainsi que des fragments épars, permettra éventuellement de mieux cerner les spectateurs auxquels était destinée cette Vierge, nous éclairant ainsi sur son histoire. Cette nouvelle investigation offrira en outre la possibilité de savoir s’il s’agit d’un « panneau » unique ou pourquoi pas d’un polyptyque.

Pour un aperçu de l’histoire de la confrérie des pénitents blancs et de leurs chapelles, cliquez sur le lien suivant : Les chapelles des pénitents blancs

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