Selon la tradition locale, les premiers habitants de L’Isle-sur-la-Sorgue au haut Moyen Age auraient été des pêcheurs implantés dans une zone marécageuse afin d’échapper aux envahisseurs, vivant dans des cabanes sur pilotis.
De la Préhistoire à l’Antiquité tardive
Les fouilles menées entre 2012 et 2015 dans le quartier des Bagnoles de L’Isle-sur-la-Sorgue, situé à 1,5 km au nord-ouest du centre-ville, ont révélé l’existence d’un village néolithique, construit vers 4000 av. J.-C. et constitué de maisons en bois et en terre crue, ainsi que d’un cimetière. Cette découverte exceptionnelle a permis de revenir sur cette image tenace selon laquelle le territoire de L’Isle était, pour les périodes les plus reculées, un no man’s land marécageux et impropre à l’implantation humaine, même si cette plaine était – et reste – à l’évidence sujette aux inondations. Une stèle en calcaire (Avignon, Musée Calvet), trouvée fortuitement en 1930 au sud du territoire communal, représente un visage humain qui pourrait être d’une certaine manière une représentation de « l’un des premiers L’Islois » aux alentours de 3000-2800 av. J.-C.
On trouve une grande concentration de sites antiques le long d’une des branches de la voie domitienne. Cette branche relie la vallée du Calavon (ou Coulon) à Avignon (actuelle route départementale) – route constituant la limite entre les communes de L’Isle et du Thor au nord et de Cavaillon au sud. Ainsi, les origines de L’Isle seraient plutôt à rechercher dans l’existence d’un vicus ou d’une villa gallo-romaine, peut-être localisé à l’ouest, dans le quartier de Villevieille qui est sans doute le premier noyau urbain créé dans l’Antiquité tardive ou le haut Moyen Age.
Du haut Moyen Age au bas Moyen Age
La ville prend sa configuration actuelle entre les XIe et XIIe siècles. Les premières mentions du toponyme Insula, signifiant « l’île » en français, se rencontrent dans des sources écrites du XIe siècle. De ce nom primitif découle la dénomination communément employée aujourd’hui encore au niveau local, à savoir « L’Isle » au lieu de L’Isle-sur-la-Sorgue, appellation adoptée officiellement en 1890.
La ville est entourée de remparts au XIIe siècle. A la fin du XIIIe siècle, des portes percées dans les murs de la ville donnent accès à quatre quartiers intra-muros (Villevieille, Villeneuve, Villefranche et Ville Boquière) et à un cinquième situé extra-muros au sud, celui de Trota Vielas. Ce dernier accueille dès le début du XIIIe siècle le couvent des Franciscains, appelés aussi cordeliers ou frères mineurs. Au milieu du XIIIe siècle, L’Isle est par sa taille la seconde agglomération du marquisat de Provence après Avignon.
Probablement du XIIe siècle et jusqu’en 1236 de façon certaine, la ville est administrée par un consulat constitué de consuls issus de familles de coseigneurs. Le consulat permettait de défendre les intérêts des coseigneurs, d’exercer la justice, pénale, ou gracieuse, de prélever les bans, de contrôler le péage, les fours, les moulins dont la Sorgue avait permis depuis au moins le XIe siècle l’installation, servant notamment à l’industrie textile qui fit la renommée de L’Isle. En 1235, l’empereur Frédéric II confia la ville au comte de Toulouse et, en 1253, il n’est plus question de coseigneurs, la plupart ayant vendu leurs droits au comte qui, seul, mérite le nom de seigneur. L’émiettement du pouvoir seigneurial avait eu pour conséquence la multiplication de résidences aristocratiques (tours et maisons fortes) dont certaines subsistent encore. De la période du consulat subsiste une remarquable tour construite par les consuls à la fin du XIIe siècle et située sur la place de l’église.
Une importante communauté juive est attestée en 1268 dans le quartier de Villefranche. Au milieu du XVe siècle, cette communauté est astreinte à résidence autour d’une seule rue, la carriero qui devient un ghetto.
Du XVIe siècle à la fin du XVIIIe siècle
Le XVIe siècle est marqué par la montée du protestantisme et par une profonde remise en question de l’Église. A l’époque moderne – et ce, jusqu’en 1791–, Avignon et le Comtat sont encore sous le gouvernement de la papauté et constituent une enclave dans le royaume de France, enclave au sein de laquelle une partie de la population est séduite par les idées protestantes dans le second quart du XVIe siècle. L’Isle, qui abrite depuis le Moyen Age un couvent de Franciscains, fait figure de bastion de la Contre-Réforme catholique avec la création de nouveaux ordres (doctrinaires par César de Bus, ursulines, dames de Sainte-Elisabeth), l’installation d’établissements religieux dans la mouvance franciscaine (minimes, capucins) et l’érection de quatre confréries de pénitents : les blancs, les bleus, les noirs et les verts.
La ville fut gravement touchée par la Révolution, notamment pendant la Terreur. En juin 1793, une explosion contre-révolutionnaire déclenchée par les Girondins se prépare. Les L’Islois adhèrent au fédéralisme, mouvement qui veut former, à partir des départements français, autant d’Etats égaux en droits et les liguer pour détruire la prépondérance de la capitale. Les Jacobins et leurs alliés locaux, les Allobroges, réagissent rapidement et un détachement de l’armée conventionnelle prend L’Isle d’assaut le 23 juillet 1793. La ville est alors pillée et incendiée, la synagogue est en partie détruite. La plupart des établissements religieux furent vendus en tant que biens nationaux et transformés.
Terre papale, le Comtat Venaissin avait été annexé à la France en septembre 1791. D’abord rattachée au département des Bouches-du-Rhône, L’Isle fut ensuite incorporée à celui du Vaucluse créé en août 1793.
Du début du XIXe siècle au XXe siècle
Après la Révolution, le Vaucluse entre dans le siècle de la modernité. Le XIXe est un siècle de grandes transformations, tant politiques qu’économiques, culturelles et sociales.
L’énergie hydraulique, déjà à l’origine du développement économique de L’Isle au Moyen Âge, va, grâce à la révolution industrielle du milieu du XIXe siècle, faire bondir le nombre d’usines et contribuer à la prospérité de la ville. L’industrie lainière a toujours participé à cette dernière. En 1840, les fabriques lainières de la ville créent les « Tapis de l’Isle », qui, dès 1927, prennent le nom de « Tapis d’Avignon », lors de la fusion des établissements l’islois Croset et Brun-Champein. Ces tapis représentaient une innovation, car ils constituaient les premiers revêtements de sol en textile. A la fin du XIXe siècle, l’industrie lainière s’intensifie grâce à l’apparition des premiers métiers à tisser mécaniques. L’Isle, grande productrice textile depuis le XIIe siècle, fait travailler entre 300 et 400 ouvriers à la fin du XIXe et au début du XXe, en particulier autour du canal de l’Arquet où 17 roues utilisent l’énergie de la Sorgue. La maison Brun de Vian-Tiran est la seule usine encore en activité depuis 1808. L’énergie hydraulique, captée par des roues à aubes dont certaines sont conservées dans le centre ancien, faisaient fonctionner également d’autres industries (moulins à farine, papeteries, etc.) et des ateliers artisanaux (menuiseries, métallurgie, etc.).
Par ailleurs, les importants gisements de gypse sur les hauteurs du hameau Saint-Antoine de L’Isle sont à l’origine du spectaculaire développement de l’industrie du plâtre. Les « gypsiers » l’islois exportaient déjà du plâtre sur les nombreux chantiers de l’Avignon pontificale dès le XIVe siècle. C’est un matériau récurrent dans les constructions et les arts décoratifs à L’Isle jusqu’au début du XXe siècle. La ville compte plusieurs sociétés plâtrières entre les XIXe et XXe siècles (Char, Lafarge, Dumas, etc.).
Au milieu du XXe siècle, du fait des progrès techniques et de la non-modernisation des fabriques, les usines ferment tour à tour. L’ancienne plâtrière Dumas est démolie dans les années 1930 pour y créer un jardin public et la ville conserve dorénavant ses roues à aubes pour témoigner de son passé industriel. A l’instar d’autres villes et villages du Vaucluse, L’Isle se tourne alors vers le tourisme (musées, galeries artisanales, magasins, restaurants). A la fin des années 1960, l’industrie a laissé la place aux antiquités. Aujourd’hui, la ville se place à la troisième place européenne du commerce des antiquités. Elle organise deux foires annuelles, à Pâques et à l’Assomption, qui attirent des visiteurs et acheteurs du monde entier.
Au cours de cette période, les changements sont également nombreux au niveau culturel et social. L’enseignement obligatoire de la IIIe République donne naissance à de nombreux établissements scolaires bâtis selon un modèle répondant à des préoccupations pratiques et symboliques. L’école de Petit Palais à L’Isle en est un exemple.
À la fin du XIXe siècle, grâce à l’héritage de l’industriel Alphonse Benoît, la ville créé plusieurs établissements d’enseignement pour la jeunesse et les déshérités (école et refuge Benoît).
C’est en août 1890 que la commune devient officiellement « L’Isle-sur-la-Sorgue ». L’appellation, officialisée par un décret municipal, est approuvée sous la Troisième république, par le président Sadi Carnot (1887-1894).
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